Le kendo au féminin vu par Lucie Germon, Médaille d’or Kyusha inter région 2022

Le kendo au féminin vu par Lucie Germon, Médaille d’or Kyusha inter région 2022

Derrière ses lunettes et sa carrure plutôt menue, Lucie devient une vraie tigresse une fois l’armure endossée.

Bonjour Lucie, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Pour être simple : Je m’appelle Lucie, j’ai 35 ans, je suis mariée et installée dans la région depuis une dizaine d’année. Je suis pharmacienne au CHU. J’ai commencé le kendo il y a 4 ans à présent !

– Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire du kendo ?

Il y aurait tant à dire car il y a tellement d’aspects qui m’ont donné envie, et plus encore qui me font continuer !

Au départ, ce qui m’a plu c’est ce mélange de puissance et d’élégance que dégage un kendoka en armure. C’est un sport assez impressionnant de l’extérieur, un peu exotique aussi. Le kendo partage des valeurs classiques des arts martiaux : la rigueur, l’étiquette et le respect de l’adversaire. Une autre singularité qui m’a beaucoup plu au kendo est que les coups sont vraiment portés avec le shinaï sur l’armure de l’adversaire… !

Après les premières séances terminées (même sans armure !), on réalise que le kendo n’est pas un sport « fast food ». On ne devient pas une foudre de guerre en 2 mois. Il faut assimiler une coordination particulière, trouver son kaï, etc.
La régularité et la persévérance sont récompensées. Marquer un point en combat c’est avoir accompli beaucoup de choses et pas simplement une frappe au bon endroit. Plus la pratique se développe, plus on savoure les compétences et les progrès de nos camarades et les nôtres, plus on capte les subtilités des techniques que nous transmettent les senseïs. Il n’y a pas de fin !

Et enfin, le kendo ce sont aussi les membres et amis du club.  Ils sont importants. On s’entraine ensemble, on se soutient et on s’encourage dans nos entrainements et en compétition. On partage des moments conviviaux à l’extérieur de temps en temps.

– De l’extérieur, on pourrait dire que le kendo est un sport très physique ; il y a d’ailleurs beaucoup de combats. Quelle en est ta vision ?

Durant les entrainements d’1h30-2h, le corps est très sollicité aussi bien côté cardio que l’endurance musculaires : hanches, abdo, bras, jambes… ! Un bon échauffement et la montée en puissance des exercices sont de mise. Les combats sont courts (3-5 min) mais intenses et il n’est pas recommandé de s’économiser. Ils font partie du kendo, c’est l’essence de ce sport et une bonne demi-heure y est consacré à la fin de chaque entrainement. Donc oui, c’est très physique ! Mais l’effort est progressif et s’apprend en s’entrainant régulièrement et en sortant un peu plus à chaque fois de sa zone de confort.

L’entrainement, la confrontation et les combats au sein du club se font dans une ambiance très bienveillante. On a la volonté de se donner à fond et d’être le meilleur adversaire possible pour l’autre et de lui permettre de bien s’entrainer donc de progresser. Les combats sont certes intenses, mais c’est de la combativité, et pas de l’agressivité que l’on apprend.

Quand on choisit de faire de la compétition, c’est un niveau d’intensité encore supérieur, et plus exigeant aussi bien physiquement que mentalement.

– Le kendo est un sport mixte. Quelles sont les forces et les faiblesses des femmes et des hommes pour cette discipline ? Combattent-ils à égalité ?

Les entrainements et les combats au club sont mixtes, et les compétitions par équipe sont sans catégorie de sexe, poids, âges ou… de grade. On se retrouve parfois dans des situations assez comiques.

Le rapport poids / puissance homme/femme n’est pas du tout le même ! Si on doit donner un archétype : un kendoka homme a de la force dans les bras. Certes, c’est un avantage, mais il ne suffit pas de frapper le plus fort pour marquer au kendo et une femme pourra être plus rapide. La différence de taille est également un paramètre important. Par les années de pratiques et l’entrainement, on développe tous (homme ou femme) à maîtriser le kikentai, les réflexes de frappe, la rapidité d’exécution, la précision, et un arsenal de techniques, pour pouvoir – un jour ! – gérer n’importe quelle différence physique. A la fin, l’adversaire qu’il soit homme ou femme, reste un adversaire. A mon sens, une femme doit surtout apprendre à avoir confiance en sa force et à l’utiliser à bon escient. Personnellement, je prends plus souvent que je ne marque de point et sans trop de distinction de genre ! J’ai juste beaucoup de chose à apprendre.

– Tu participes à des stages de kendo féminin avec des pratiquantes de niveaux différents qui viennent de toute la France.
Qu’est-ce que cela t’apporte dans ta pratique du kendo ? Et sur le plan humain ?

Ce sont toujours de supers expériences. Sur le plan technique, ils permettent d’améliorer, d’enrichir, et de mieux comprendre ma pratique. Les senseïs axent le travail sur les forces et faiblesses du kendo féminin, afin d’apprendre à gérer tous les adversaires sans distinction. On a la chance d’avoir des stages animés par des senseis de haut niveau, victorieuses dans de nombreuses compétitions nationales ou internationales. Je trouve ces stages très complémentaires des stages conventionnels « mixtes » et ils ne les remplacent surtout pas.

Les femmes ne sont pas majoritaires dans la pratique du kendo, mais la communauté est très soudée. De mon expérience, il y a une énorme et très rapide complicité qui s’installe, alors même qu’on s’est parfois rencontré depuis moins de 2h. Durant les stages, souvent sur deux jours au moins, on mange ensemble, on dort ensemble. Ambiance colonie de vacances ! Cela peut également paraître paradoxal, mais on devient très copine avec les kendokas avec lesquels on s’est entrainé et tapé dessus (surtout en compet !).

– Plus généralement, qu’est-ce que le kendo t’apporte dans ta vie quotidienne ?

C’est déjà une bonne dépense physique qui m’aide à évacuer le stress du travail. Aucune contrariété ne résiste à une séance de kendo ! De façon plus fondamental, le kendo m’a beaucoup apporté dans la gestion de la confrontation : ne pas reculer aussi bien mentalement que physiquement devant les comportements envahissants, dominateurs ou agressifs. Bien que peu avancée dans la pratique, j’ai aussi eu de gros moments d’introspections et de frustration :  stagnation, limite physique, etc. cela développe la résilience, très utile au quotidien.

– Quels sont tes projets sportifs, tes objectifs pour cette nouvelle saison ?

J’en ai énormément ! Le premier c’est de maintenir un rythme de 2 entrainements de kendo par semaine. J’ai obtenu le premier dan l’année dernière, donc j’ai envie de découvrir et encaisser le niveau de compétition individuel femme qui va avec. J’aimerai aussi travailler le 2ème dan, et le présenter en 2023 j’espère.

– Pratiques-tu d’autres sports et si oui, pourquoi ?

Les autres jours de la semaine, j’alterne selon l’envie du hit, et pas mal de yoga type Ashtanga, Vinyasa et power yoga. C’est du yoga assez tonique pour un gros travail de renforcement musculaire, souplesse et concentration, qui est assez complémentaire du kendo. Je ne dirai pas que je le fais exclusivement pour mieux pratiquer le kendo car je cherche un équilibre global, mais il est évident qu’en étant en forme physiquement, les séances de kendo n’en sont que plus agréables.

– Pour conclure, que souhaiterais-tu dire aux jeunes filles et aux femmes pour leur donner envie de se mettre au kendo ?

Que nous avons tout à fait notre place au kendo, évidemment. Il ne faut pas hésiter à venir découvrir, quel que soit l’âge ! Il n’y a de limite que celles qu’on se laisse imposer par soi-même ou par les autres. Comme tant d’autres sports, le kendo permet de révéler et de développer sa force. Et enfin, je garde le meilleur argument pour la fin : au kendo, on a vraiment la classe… C’est nous le côté obscur de la force !