Bilan de la saison Espoirs, et perspectives

Bilan de la saison Espoirs, et perspectives

La saison des Espoirs s’est achevée sur une 3ème place, synonyme de non-qualification pour les phases finales. Pour autant, la saison aura été belle et réussie, à de nombreux points de vue. Retour sur cette saison avec Philippe Gauran et Adel Fellah.

L’année qui suit un titre est toujours délicate, indiquent ensemble Adel et Philippe. En Espoirs, de nombreux joueurs changent d’une année sur l’autre. Parce qu’ils ont atteint la limite d’âge, parce qu’ils passent professionnels. « Il faut aussi intégrer les Crabos qui montent. Et ce n’est pas évident, car des Espoirs s’entraînent avec les pros toute la semaine, pour redescendre avec nous le WE. Il peut y avoir des incompréhensions de la part de certains », nous dit Adel. Philippe rajoute « nous sommes habitués à avoir dès le début de saison de nombreux Espoirs qui partent avec les pros. De les voir faire la navette régulièrement. Ca nous demande pas mal de boulot pour gérer la déception de certains de ne pas rester avec la une, pour d’autres un égo qui s’est un peu trop développé, d’avoir été avec la une. Parce qu’il ne faut pas oublier que malgré leur expérience, ce sont encore des gosses. »

De plus, une partie du groupe a vécu « une aventure extraordinaire la saison précédente, avec ce titre acquis de belle manière » ajoute Adel. « Pas mal de jeunes ont tenu un rôle important avec la une, qui avait vécu une année plus que compliquée, et les voir tous se mobiliser pour emmener l’équipe jusqu’au bout, c’est fort. » précise Philippe. Il faut aussi rajouter l’arrivée d’Adel, qui a dû apprendre un nouveau club, une façon de travailler différente, une histoire et une culture club très forte. « Je ne le connaissais pas avant qu’il n’arrive. On a échangé quelques fois durant l’été, mais le vrai démarrage de la collaboration, c’était à la reprise. Le courant est tout de suite très bien passé, Adel est très avenant, très pro, il apporte une autre vision du jeu, de l’équipe, du management. Le temps de prendre nos marques l’un par rapport à l’autre, la transition s’est faîte assez naturellement. » nous dit Philippe.

Le démarrage de la saison, malgré tous ces changements se fait sur les chapeaux de roues. L’équipe enchaine quelques victoires, sur des scores flatteurs. Mais on sent que quelque chose ne va pas parfaitement. L’osmose ne se faisait pas. « Il y avait d’un côté les champions en titre, de l’autre ceux qui montaient, plus ceux qui redescendaient des pros le week-end. Il manquait quelque chose. » précise Adel. « On a eu beaucoup de mal à gérer ça, on n’arrivait pas trouver les solutions pour créer le truc. Malgré ses qualités, on sentait qu’il manquait un vécu commun à ce groupe. » rajoute Philippe. D’un seul coup, ces difficultés dans la vie du groupe se sont faites sentir sur le terrain. « On enchaine 4 défaites d’affilée, certaines contre le cours du jeu, on est dans le dur. » dit Adel. Le doute s’installe, les discussions entre le staff et les leaders de l’équipe sont régulières, pour trouver des solutions. « La difficulté était aussi que les leaders étaient avec les pros la semaine, il fallait créer cet électrochoc pour repartir de l’avant. » insiste Philippe, avant d’ajouter « alors on a décidé de les mettre encore plus dans le dur, qu’ils se révèlent. On a enchaîné des entraînements à 6h du matin. Y compris pour ceux qui étaient avec les pros. Ils en ont bavé, on les a tous poussé dans leurs retranchements et même au-delà. Mais c’était nécessaire. »

Après la trêve de Noël, les résultats sont de nouveau là. Ils reprennent le chemin de la victoire, avec des matches accomplis et réussis. « On a réussi ce qu’on voulait, on a soudé le groupe, on lui a donné un vécu commun. Ils se sont construits dans le très dur » se réjouit Adel. « A partir de là, on a su que la qualification était à notre portée qu’on pouvait aller au bout, mais surtout qu’on n’avait pas droit à l’erreur. » rajoute Philippe. Tout s’enchaîne vite et bien. Malgré tout, il y a un ou deux faux-pas en déplacement. Ce qui pousse l’équipe à aller à La Rochelle « jouer un véritable ¼ finale » dit Philippe. « Toute la semaine, on travaille comme des dingues, on est prêt, le groupe est bien physiquement, mentalement, on a le sentiment que rien ne peut nous arriver » raconte Adel. Mais juste avant le départ, deux joueurs leaders dans le jeu, dans le groupe sont appelés avec les pros. « Sur le coup c’est rageant de devoir se passer de ces deux leaders. Mais c’est notre job de faire en sorte que les jeunes aillent avec les pros et s’y installent. Alors la déception retombe vite, on rebondit » réagit Adel. Philippe, avec sa plus grande expérience des Espoirs à l’ASM, relativise un peu plus « on est habitué au club à ce que ça arrive régulièrement. On s’est toujours adapté, on continuera à le faire. Et puis c’est normal que la une soit prioritaire. On est à son service. » Ce jour-là, l’équipe revient à Clermont-Ferrand avec une défaite de 1 point. En ayant joué tout le match à 14, suite à un carton rouge reçu d’entrée de jeu, pour une action qui pourra être discutée longtemps. Ils n’ont plus leur destin en main. Pour se qualifier, il fallait gagner le dernier match avec le bonus offensif, en espérant que Toulon perde sans bonus chez eux. « Mais que les choses soient claires. Ce n’est pas sur ce match qu’on ne se qualifie pas. Ni même les 4 défaites d’affilée en première partie de saison. C’est sur un ensemble de détails qu’on n’a pas forcément vu au bon moment. » insistent en cœur Adel et Philippe. « Mais la défaite, aussi frustrante soit-elle, elle fait aussi partie de la formation du sportif de haut niveau. C’est comme ça qu’ils grandissent. Et plus tard, ça leur servira toujours. » renchérissent Adel et Philippe.

Mais on retiendra que la saison est belle. Après une 1ère partie de saison délicate, l’équipe rebondit très bien. Terminant meilleure défense du championnat avec 38 essais encaissés. Il manque une victoire pour passer. Surtout, c’est le nombre de joueurs Espoirs qui ont joué avec les pros qui est intéressant. 14 joueurs ont fait au moins un match, avec un temps de jeu cumulé de 5200 minutes. « On met de côté des gars comme Beka ou Damian. Car malgré leur statut espoir, ce sont déjà des pros et n’ont jamais joué de la saison avec nous. » précise Philippe. « C’est très valorisant pour le joueur d’arriver à intégrer au moins sur un match les pros. Il peut se montrer, dire qu’il existe. Après, c’est à lui ce jour-là de faire le nécessaire pour y rester, ou y revenir. Nous, tout ce qu’on peut faire, c’est l’aider à y aller. Lui donner toutes les clés pour réussir. Mais c’est à lui de faire le reste. Pour nous aussi, staff, c’est agréable. On peut se dire qu’on a réussi notre mission. » ajoute Adel. Sur ces joueurs, « tous ont encore du travail pour s’imposer durablement chez les pros. Que ce soit dans la constance dans l’implication, dans le travail, ou physiquement », précise Philippe. « Tous ont de la rigueur dans le travail sur le terrain, mais certains ont besoin de l’être encore plus quand ils rentrent chez eux. La diététique, par exemple, ils ne le comprennent pas tous. Quelques-uns pensent que parce qu’ils ont fait une belle séance de travail, c’est réussi. Alors que ça ne suffit pas. » Notre duo d’entraîneurs retient, sur l’ensemble de la saison, l’implication de tous dans le travail, l’entraide entre les joueurs, tous les joueurs. Surtout durant cette période compliquée. « On a vu les leaders prendre leur rôle à bras le corps, s’impliquer encore plus. Ils ont aidé les autres à grandir et se sont fait grandir eux-mêmes », se réjouit Philippe. Adel et Philippe insistent sur un point de leur métier, « On est très exigeant, très pointilleux sur le travail physique des joueurs. Parce que ce travail physique, c’est avant tout pour leur sécurité. S’ils ne sont pas prêts physiquement, ils se feront très mal, ils peuvent se blesser très sérieusement. On n’est pas là pour casser des mecs. Mais pour les accompagner, les aider à accomplir leurs rêves. »

La saison prochaine sera particulière. « Comme toute saison de Coupe du Monde, on sait qu’on aura un paquet de gars qui iront avec les pros. Quand les pros reviendront de la Coupe du Monde, on sait que certains resteront avec la une. Que d’autres reviendront avec nous. » enchaine Philippe. La difficulté sera de gérer la frustration de ceux qui ne restent pas. Gérer les absences de ceux qui ne reviennent pas. « Mais ça, c’est pas grave, on le fait depuis longtemps à chaque début de saison. Le plus délicat, c’est que presque toute la phase aller du championnat espoirs se jouera durant la Coupe du Monde » insiste Philippe, avant d’ajouter « autant dire qu’on aura encore moins le droit à l’erreur que d’habitude. Et ceux qui seront avec nous dès le début auront plus de pression ». Le discours d’Adel est sensiblement le même. Il est parfaitement conscient qu’il faudra être vigilent et prudent dans tous les domaines, « notre saison dépendra beaucoup des pros, entre la Coupe du Monde, les éventuelles blessures chez nous ou avec les pros, ce sera encore plus important de créer cette cohésion très rapidement avec les Crabos qui montent et les Espoirs, aussi bien ceux qui seront avec les pros que les autres. La préparation d’avant-saison sera primordiale. Mais attention, les pros ne sont pas une excuse si on se plante.« . Mais globalement, le staff est serein, il sait ce qu’il a à faire, les joueurs aussi. Sur le rôle du staff pour accompagner les joueurs au plus haut niveau, Philippe est très précis, « On dit clairement aux joueurs, que pour monter avec les pros, la marche est très haute. Qu’une fois qu’ils sont arrivés avec les pros, la 1ère impression qu’ils laisseront compte énormément. Mais que la 2ème arrive très vite derrière. Et qu’ils n’ont pas le droit au relâchement entre ces 2 impressions. »

De nouvelles règles arrivent la saison prochaine en Espoirs. L’abaissement de la limite d’âge, l’interdiction des pros avec les Espoirs, les listes d’aptitudes pour les joueurs Espoirs, par exemple. Il y aura des mesures transitoires, pour permettre aux différents clubs de faire le nécessaire, concernant la limite d’âge. Mais aussi bien pour Philippe que pour Adel « ça ne change rien pour nous. On a toujours fait jouer les joueurs jeunes, pour qu’ils s’aguerrissent le plus vite possible pour percer au plus haut niveau. ». Quant aux autres clubs, ils le disent tous les deux, « même si pour certains ça peut paraitre compliqué, ils sauront s’adapter très vite. Le changement se fera en douceur avec les mesures transitoires. ». La mission du Centre de Formation, du staff des Espoirs reste la même. « Notre métier est d’accompagner, d’apporter tout le nécessaire aux Espoirs pour qu’ils intègrent l’équipe pro et y restent. Alors les différentes règles qui peuvent être mises en place ne changent rien à notre métier. A l’ASM, nous travaillons dans ce sens depuis de nombreuses années. Donc on est prêt. Si des règles différentes sont mises en place, on s’adaptera. C’est aussi ça notre boulot ! » concluent Adel et Philippe.

Interviews et texte : JB/ASM Omnisports Rugby
Photo : Renaud Baldassin